le long de la route nationale 7
Mardi 25 novembre. Nous filons maintenant explorer la partie sud du pays en roulant le long de la célèbre RN7, qui relie Antananarivo à Tuléar (Sud-ouest de Madagascar). La route est superbe. Des rizières en terrasse jalonnent les collines dans lesquelles s'amoncelle une multitude de maisonnettes de terre et de briques. Nous partageons le bitume avec les paysans qui rentrent chez eux après une dure journée de labeur, en charrettes à zébu.
Chaque village que nous traversons ou dans lequel nous dormons possède son propre charme et, dès l'aube, tous installent leur marché haut en couleurs, un événement qui, en voyage comme à la maison, m'a toujours fascinée. On y trouve de tout : mangues juteuses, paniers de litchis, régimes de bananes, laitues tout juste coupées, concombres croquants, tomates vermillon, légumes secs... Mais aussi du vernis à ongle, des postes de radio, des sous-vêtements, des cahiers, des clés à molette, et même des zébus (entiers et vivants, à partir de 300 euros la bête). J'avoue cependant que les stands des bouchers sont vraiment répugnants : cuisses de zébus, chapelets de saucisses et carcasses de chèvres pendent dans la chaleur, pour le plus grand bonheur des mouches qui grouillent sur le sang coagulé. L'odeur est à l'image de la scène... Nous avons même vu une "belle" tête de veau fièrement exhibée au milieu d'un étal, parmi les autres parties de son corps prêtes à être cuisinées. Eh bien nous, petits européens timorés, ça nous coupe l'appétit. Parce qu'il ne faut pas se leurrer : c'est de là que vient la viande servie dans les restaurants... Mon steak, je le voudrais bien bien bien cuit s'il vous plait !
Après 500 kilomètres de traversée du territoire de l'ethnie Betsileo, les rizières laissent place à un paysage beaucoup plus aride, presque désertique : nous sommes chez les Bara, éleveurs (et voleurs) de zébus. Ici il ne pleut jamais plus de 50 jours par an et presque rien ne pousse.
Enfin, nous rejoignons la côte du canal du Mozambique, terre des Vezo, peuple de pêcheurs nomades qui s'organisent en bivouac pour partir pendant des jours en quête de poisson. La nuit, ils campent dans les dunes, abrités par la voile carrée de leur pirogue. Petite histoire que j'aime beaucoup : les Vezo pratiquent la pêche responsable depuis bien plus longtemps que nous. En effet, étant persuadés que la mer est habitée par les esprits de tous leurs morts, ils considèrent comme un affront pour les ancêtres de pêcher plus de poissons que nécessaire. Ces derniers pourraient d'ailleurs se venger en privant les pêcheurs et leur famille de nourriture, ou même en provoquant un naufrage. De plus, les Vezo ne consomment jamais de trop petits poissons, sachant parfaitement qu'il est nécessaire de les laisser grandir afin qu'ils aient le temps se reproduire et que les ressources marines se régénèrent. Malheureusement, mon histoire ne se termine pas très bien puisque de nombreuses populations souffrant d'une extrême pauvreté dans les terres ont émigré vers la côte où elles se sont sédentarisées. Les besoins en poisson ont donc augmenté de manière fulgurante, et tout le monde ne pratiquant pas la pêche de manière aussi raisonnable que les Vezo les ressources se sont tellement appauvries qu'il faut désormais aller de plus en plus loin pour espérer remplir ses filets et nourrir sa famille.
La RN7 est un véritable bijou, une sorte de croisement passionnant entre l'Afrique et l'Asie que nous n'avons trouvé nulle part ailleurs. Mille kilomètres ont été parcourus sans que nous ne voyions le temps passer, tout absorbés que nous étions par la contemplation des paysages et la découverte de la vie locale, et nous sommes définitivement entrain de tomber amoureux de celle que l'on surnomme aujourd'hui l'Ile Rouge.